À quoi sert la vie ?

À quoi sert la vie ? Qu’est-ce que vivre ? Est-ce vivre en dépendant des circonstances, dans le confort, la satisfaction des pulsions et désirs ou est-ce agir en toute liberté, avec discernement et intelligence pour atteindre la sérénité et le bonheur ?

À qui sert la vie ? La vie a la valeur que nous lui donnons, en fonction de ce que nous sommes. Pour une pierre, la vie sert à résister. Pour une plante, la vie sert à croître et à pousser. Pour un animal, la vie sert à sentir et à se faire plaisir. L’homme possède en lui des éléments minéraux, végétaux et animaux. Ce qui le différencie des trois règnes est la faculté qui lui permet de se poser la question : à quoi sert la vie ? Pour Pierre Hadot, philosophe spécialiste de l’Antiquité, la philosophie n’est pas un système théorique mais une expérience vécue, une confrontation au réel, de ses idées, rêves et décisions et une remise en question, sans lesquelles il n’y a pas de vie.

Vie bonzai

La vie est un mouvement

Qu’est-ce que vivre ? Est-ce vivre en fonction de l’inertie des choses et de la facilité, ou vivre en se réalisant avec détermination, décision, responsabilité et intelligence ?

Vivre est un mouvement. Les choses sont vivantes parce qu’il y a mouvement. Mais si ce mouvement devient inertie, mécanicité, artificialité, répétition, dépendance, résistance et routine, la vie s’échappe et meurt. L’inertie est une force qui naît d’une autre : au billard, quand une boule en touche une autre, elle lui transmet sa force ; l’autre boule bouge par inertie et non par elle-même.

Pour sortir du confort, de la paresse, de la vie au jour le jour, de l’instinct de conservation qui nous protège, il faut prendre des risques, donner des finalités à nos mouvements. Plus ces finalités et ces rêves sont ambitieux, plus ils sont capables de nous mettre en mouvement.

Vivre en autonomie

La vie et le vivant se caractérisent par l’autonomie.

Le vivant se répare lui-même, panse ses plaies. Un objet ne peut pas le faire. Il faut une intervention humaine.

La vie s’auto-reproduit. Quand on se programme soi-même, on peut diriger son existence vers quelque chose d’autre. On peut se reproduire biologiquement ou par les idées et les sentiments. Un objet ne peut le faire.

La vie s’auto-régule et s’équilibre. C’est la base de l’écologie. Si notre corps n’arrivait pas à s’autoréguler, il serait tout le temps malade ! La vie sert à être en mouvement et à comprendre les lois du mouvement. Certains passent devant ces lois, en n’étant simplement qu’un effet de mouvement, comme la boule de billard. Ils courent derrière la vie mais ne vivent pas. Ils vivent de façon inconsciente et sont mus par les instincts et les pulsions D’autres s’interrogent : « Où vais-je, qui suis-je ? À quoi sert la vie ? » Ils cherchent une finalité, un sens. Ils s’émerveillent devant la vie, l’univers et tout ce qui les inspire et leur permet d’apprendre avec intelligence.

L’expression de la conscience

Le mouvement se trouve dans le mot « exprimer » qui veut dire faire sortir ce qu’on a de potentiel en soi pour le faire devenir.

Mais qu’exprime-t-on ? Ici intervient la notion de conscience. Nous pouvons exprimer ce que nous avons de bon et de bien en nous, notre besoin de reconnaissance sociale, notre désir de réalisation, notre quête du Bon, du Vrai, du Beau et du Bien et nous pouvons également exprimer le côté faux, artificiel et le laisser-aller. En résumé, exprimer l’être ou le paraître.

Socrate a inventé, en Occident, le concept de la conscience. Il dit : « J’ai en moi-même une petite voix, un daïmon, (pas un démon mais un génie, une conscience) qui me dit parfois ce qu’il ne faut pas faire mais pas ce qu’il faut faire. » Il y a une conscience en chacun de nous. Et parfois cette conscience fait souffrir et est refoulée dans l’inconscient, où elle continue encore à agir, même sans y penser, sur le corps ou les sentiments.

L’expression d’une destinée

L’expression implique l’acceptation de se confronter aux autres et d’expérimenter pour pouvoir améliorer ce que nous pensons être ou devenir. Vivre c’est exprimer ce qui est positif, créatif, harmonieux, simple mais beau et bon. Ce n’est pas s’exprimer sous l’effet de la pulsion ou du désir, c’est-à-dire se défouler et engendrer la violence pour soi et les autres. Exprimer une destinée n’est pas exprimer l’avenir ni l’horoscope. D’un point de vue philosophique, les auteurs classiques antiques expliquent que dans le théâtre des mystères, le genre de la tragédie grecque exprime l’histoire d’un personnage qui a le choix entre vivre tranquille et accomplir un exploit, qui le transcende, le transforme, parfois au prix de sa vie. Nous avons tous en potentiel une destinée. Celle-ci s’exprimera à condition de choisir de ne pas faire comme tout le monde, d’assumer sa propre vie, d’être ce que nous voulons devenir et non devenir ce que les autres attendent de nous. La vie, c’est affronter l’inconnu, accepter le mystère, vivre avec.

Le pouvoir de vie et de liberté

Un mouvement pour exprimer une destinée rappelle la maïeutique de Socrate ou l’art d’accoucher les âmes, c’est-à-dire se faire naître soi-même, vivre, chercher en soi-même un potentiel, un rêve, et le devenir. C’est ce que prône la philosophie pratique, expérimentale, art de vivre au quotidien et non la philosophie spéculative et académique. Comme le dit Hegel, la vraie conscience n’est pas une faculté théorique mais un pouvoir de vie et liberté. La vie sert à exprimer un pouvoir sur soi-même qui affranchit vers la liberté. Pour qu’un être humain devienne libre, il ne doit être conditionné ni par les circonstances ni par ses passions. Il doit décider et agir avec intelligence.

Valeurs et vieOn peut vivre comme un animal, une pierre ou un arbre. Pour vivre comme un être humain, il faut avoir de l’esprit. D’un point de vue philosophique, le mot esprit est cette capacité que nous avons de comprendre et de nous libérer du monde. Cette faculté peut être associée à l’intelligence (intellegere : pouvoir entrer). L’esprit permet à l’humain de comprendre le réel, d’agir sur lui en devenant indépendant des circonstances et non en étant submergé par elles. On garde notre esprit clair malgré les situations. La spiritualité est un combat pour garder l’intelligence, le discernement et la possibilité de voir les choses dans leur unité et non dans leur partialité. La raison nous permet de couper les choses, l’intelligence permet de les réunir. Vivre intelligemment n’est pas seulement vivre raisonnablement.

La finalité de la vie est pour chacun le bonheur. Non pas un bonheur immédiat, éphémère, satisfait par la pulsion, mais ce que Socrate appelle eudemonia, un état intérieur de sérénité, de sagesse et de calme, un état d’être sans attachement, tout en gardant sa faculté de discernement. Une opportunité pour chacun d’être heureux.